EPIPHANIE ET HERMIONE
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Epiphanie soupire pour la énième fois de la journée. Elle a faim, elle est fatiguée. Le doux ronflement de la voiture la berce, et le soleil lui brûle le front, venant se réverbérer dans sa chevelure blonde étalée sur le siège passager. Voilà six mois qu'elle ère avec sa soeur à l'Est des États-Unis, entretenant l'espoir fou que leur famille ait survécu à l'Apocalypse. Malheureusement, leur bonne étoile semble les avoir quitté. Elles ont dû faire d'énormes détours de plusieurs centaines de kilomètres pour échapper à des hordes d'affamés qui migraient vers le Sud, et leurs raids dans les petites entreprises locales se sont révélés inutiles. Les gens ont déjà tout pris et tout dérobé dans la débandade que l'Apocalypse a provoqué. Ce qui s'avère être l'une des raisons pour laquelle les autoroutes se retrouvent bloquées, les obligeant à trouver des petits chemins de campagne quasiment impraticables de façon à éviter ces endroits grouillants de marcheurs, silhouettes grotesques d'hommes et femmes qui ont cru pouvoir chercher refuge ailleurs mais qui ont été pris par les mouvements de foule et la voracité des monstres. Hermione, de son côté, a les yeux fixés sur la route. Les deux jeunes femmes sont enfin près de chez elles, après ces derniers six mois nomades, à s'arrêter dans les motels et dans les fermes désaffectées, à se faire chasser des maisons qu'elles ont squatté par l'arrivée d'une horde plus désespérée ou plus insatiable que les autres. Parfois, elles ont même du décamper face à des humains. La fin du monde fait ressortir le pire en chacun de nous, et c'est particulièrement vrai pour ces gangs qui vont de ville en ville, recherchant de nouvelles femmes à violer, et de nouvelles victimes à leurs jeux cruels. Des rescapés qu'elles ont rencontré à Lexington leur ont même fait part d'actes de cannibalisme de certains groupes particulièrement extrémistes. Les nouvelles ne sont pas vraiment réjouissantes.
Plus que quelques jours, et elles retrouveront la ferme familiale, et pourront faire le deuil de leurs parents et époux, ou au contraire festoyer autour d'un grand buffet pour célébrer la vie et le destin qui les réunit. La pensée de Joshua, son fiancé, sert le coeur d'Epiphanie et la ronge de culpabilité. Elle qui rentrait pour lui avouer son infidélité et annuler leur engagement se retrouvait désespérée face à la responsabilité de son adultère, et un futur incertain qui ne lui permettra peut-être pas de trouver l'absolution.
« On devrait s'arrêter pour la nuit. » annonça Epiphanie au bout d'un silence qui lui parut une éternité, seulement entrecoupé par la musique nasillarde des hauts parleurs du 4x4 qu'elles avaient volé à Pittsburgh. Le véhicule était alors couvert de sang, et le corps décapité du conducteur en marrait les vitres opaques. Le soleil était bas dans le ciel, et le sol se colorait de rouge. Il n'était pas prudent de dormir dans une voiture après le coucher du soleil. Mais il faut dire que de nos jours, plus rien n'était sûr.